Bien sûr il y a eu la peur. Pas celle de vivre, non, mais celle de se demander si on vient de perdre quelqu’un ou pas. Celle qui nous fait mentalement dresser une liste interminable de toutes ces personnes qu’on connait qui auraient pu être en danger.
Bien sur il y a eu cette peur. Mais il y a eu bien plus.
Il y a eu le mal de cœur en pensant à tous les messages de haine auxquels on allait être confrontés, ceux remplis d’amalgame envers les immigrants, les Arabes et les étrangers. Il y a eu une peine énorme envers les migrants à nos frontières qui allaient encore voir leur situation s’empirer, comme si c’était encore possible.
Il y a eu le désespoir. L’incroyable et profond désespoir que j’ai ressenti face à un monde qui part en ruine, un monde qui construit trop de haine et de chagrin pour ma petite âme sensible. Bien sûr face à Bruxelles, mais aussi face à la Turquie et aux autres pays, qui me remplissaient déjà d’une peine immense avant qu’on ne touche à mon pays, et face à tous ces endroits où les populations vivent des souffrances sans autre nom que celui puant la haine.
Il y a eu la peine et la révolte en pensant à tous ces gens innocents et à ces incapables qui ne pensent qu’à tuer tout ce qui bouge. Il y a eu le choc et le chagrin car il y a quelques années, l’aéroport de Zaventem était l’un de mes endroits préférés en Belgique, un des mes “happy places” dans mon petit pays. A l’heure de partir pour une nouvelle destination, son grand tableau des départs me fascinait, et me fascine encore. Le fait qu’on puisse s’en prendre à cet endroit rempli d’au revoir, de bonjour et de à bientôt, rempli de rêves, de doutes, d’espoirs et de tous les sentiments qu’un voyage nous offre, ça m’a mise encore plus bas que terre.
Il y a eu l’impuissance. Comment peut-on battre la haine ? Comment peut-on battre des fous qui tuent pour une raison qu’on ne comprend même pas ? Est-il encore possible de vivre dans l’amour et la paix tout en combattant la haine et le dégoût ?
Il y a eu le “à quoi bon ?” en face de mon ordinateur au boulot, quand soudain les tâches quotidiennes qu’on nous présente comme étant nécessaires et importantes paraissent tout simplement futiles et sans aucun sens. Cette impression d’être inutile, à des centaines de kilomètres de mon pays meurtri.
Il y a eu les larmes, beaucoup de larmes. De tous ces sentiments mélangés et puis un par un. Il y a eu l’incapacité d’arrêter mes larmes au boulot, mes mains trempées cherchant en vain un mouchoir dans mon sac pour essayer de récupérer une affaire perdue d’avance. Et il y a eu les larmes interminables seule sur mon lit.
Et puis il y a eu les messages de soutien et les gestes d’amour. Il y a eu les dessins, les discours. Il y a eu les appuis de tous ceux qui nous rappellent que le monde n’est pas rempli que de pourritures.
Et quelque part dans mon chagrin, ça m’a fait du bien.
Je pense que c’est de ça dont j’avais besoin. De me souvenir que le monde n’est pas fait que de fous furieux qui ont un jour décidé de haïr ce et ceux qu’ils ne connaissent pas et qu’ils ne voudront jamais connaître.
Je vous souhaite beaucoup d’amour, mais plus encore je vous souhaite de vivre d’amour et mourir rempli d’amour. Même si l’amour est le sentiment le plus effrayant qui soit, je vous souhaite de prendre le courage de lui donner la place qu’il mérite dans nos vies et de l’inculquer à toutes les personnes autour de vous.
Je partage avec toi ces différents sentiments et interrogations. J’en étais même arrivée au point de trouver les discours, les dessins ou encore le soutien dérisoires, armes trop faibles face aux actes haineux guidés par l’ignorance et la bêtise. Pourtant, à notre niveau en particulier, c’est bien l’unité, le partage et le soutien qu’il faut cultiver et préserver. Tes derniers mots sont précieux.
Je t’embrasse,
Helen
Merci pour ton commentaire :). Et oui, c’est aussi dans ces gestes qui semblent trop petits qu’on arrivera à vaincre ce fléau. Bisous !