En ce moment je traine un gros ras-le-bol. J’en peux plus de l’hiver (le printemps est-il vraiment arrivé ?), des arbres sans feuilles, de la pluie et du ciel gris, j’en peux plus de la vie en colocation, de devoir être sociable à tout moment et de jamais vraiment me sentir chez moi, j’en peux plus de devoir faire 7 heures de train pour voir mon copain, de compter les jours avant chaque rencontre et d’avoir le blues chaque fois que je dois repartir.

J’en peux plus de laisser traîner mes projets personnels dans des caisses en carton en attendant le grand déménagement et de manquer la moitié de ma garde-robe parce que tout ce qui ne rentrait pas dans ma valise se trouve encore à Budapest dans des caisses superposées l’une sur l’autre jusqu’au plafond.

Mais surtout, j’en peux plus d’attendre. J’en peux plus d’attendre en apnée avant d’être enfin installée dans cet appart qui sera enfin notre chez nous.

Il reste onze jours seulement avant que j’emménage pour de bon avec mon copain et que je puisse réellement commencer à penser à mes projets personnels. Onze jours après deux mois et demi de galère de logement, de colocation, de valise à moitié vidée, de relation à distance. Plus de deux mois pendant lesquels j’ai dû passer par toutes les étapes habituelles d’une installation à l’étranger : trouver une banque, trouver une compagnie de téléphone, trouver un appartement pour un an, trouver un autre appartement temporaire en attendant le définitif, trouver mes marques. Sauf que cette fois-ci, je vous l’avais dit, ça m’a pesé.

Moins de deux semaines. Une semaine et demi. Ça parait peu, et je sais que ça l’est. Mais à force de trépigner d’impatience depuis plusieurs mois, je fatigue. Mes jambes en ont marre de faire tenir mon impatience et je commence à sentir mes nerfs lâcher petit à petit si bien que chaque jour parait de plus en plus difficile à surmonter. Je comptais les semaines, maintenant je compte en jours et si je continue comme ça bientôt je compterai les heures et les minutes.

Alors autant vous dire que dans cette ambiance, Bratislava ça venait à point nommé. C’est dans ce ras-le-bol général que j’ai décidé, deux jours à l’avance et à l’envolée, de prendre un jour de congé pour aller m’échapper dans la capitale slovaque, aux côtés de celui qui me fait décompter les jours depuis des mois.

C’était il y a deux semaines. J’avais dans mes plans de partir à Budapest le jeudi après le travail pour y passer le week-end et, surtout, ne pas manquer la grande soirée d’au revoir de mes collègues, le vendredi soir. Par hasard, il se fait que ce jour-là, mon copain avait un rendez-vous à l’ambassade tchèque à Bratislava pour obtenir son visa (oui ne me demandez pas pourquoi, moi non plus je ne sais pas et moi aussi j’ai dit que ça faisait quand même longtemps que la Tchécoslovaquie s’était divisée en deux pays distincts). Il avait dit qu’il roulerait jusqu’à Prague après son rendez-vous pour venir me chercher et m’éviter les 7h de train habituelles. J’avais accepté, et bizarrement il a fallu une journée de plus pour que l’évidence vienne toquer à la porte de mon cerveau : Bratislava était sur ma liste de voyages de 2015 mais je n’avais jamais eu l’occasion d’y aller. Là, c’était l’occasion rêvée. 4 heures de train, arrivée vers midi, je pouvais profiter de quelques heures dans la ville avec lui avant d’aller ensemble en voiture vers Budapest.

Le plan parfait.

Alors aussitôt dit, aussitôt fait. Après avoir eu l’accord de mon boss (“ok pour moi mais vérifie avec tes collègues que ça va pour eux”) et de mes collègues (“non t’inquiètes Léo on n’a pas besoin de toi jeudi !”), je réservais mon billet de train.

   

Bratislava, tout comme Pécs, fait partie de ces villes controversées : il y a ceux qui la dénigrent totalement et les autres qui lui laissent une chance. Moi ce que j’en avais retenu, c’est qu’une petite journée était suffisante pour la visiter. Et c’est souvent ce qui nourrit les détracteurs : une ville qu’on visite en moins d’une journée, ça vaut pas la peine.

Faux.

D’accord, ce qu’on retient de Bratislava, c’est son petit centre historique et son château sans autre artifice que son blanc éclatant. Le tout coincé entre les nouveaux buildings et les tours passées de mode qui n’ont pas l’air de valoir la peine de s’y aventurer. Alors c’est sûr, quelques heures sont suffisantes. Mais faut-il nécessairement dénigrer une ville pour cette raison ?

Moi je dis non. Bien sûr, si vous venez dans les alentours et comptez visiter les pays de l’Europe centrale (pour ne pas choquer une fois de plus en disant que ce sont des pays d’Europe de l’est), mettre Budapest, Prague ou Vienne en priorité ne sera pas une mauvaise idée. Mais si vous avez le temps pour un petit détour, n’hésitez pas à passer par Bratislava. Parce qu’il faut dire que Bratislava est plutôt bien placée : à mi-chemin entre Prague et Budapest (à 3h en voiture de Prague et 2h de Budapest), et à moins d’une heure de Vienne. Difficile de faire plus central.

Et moi, en plus de tout ça, j’ai la satisfaction d’ajouter la Slovaquie à la liste de mes pays visités et de pouvoir enfin barrer Bratislava de ma liste de destinations !

 

Et vous savez c’est quoi le meilleur ? Ce jour-là, comme un pied de nez à mon trop plein d’hiver, il a fait beau. On a visité Bratislava sous le soleil, en manteau mais sans devoir se recroqueviller dedans pour ne pas laisser le froid passer. Et le soir, à Budapest, manteau ouvert, je n’avais même pas froid.

Ce soir-là, le 10 mars 2016 et pour la première fois de l’année, j’ai senti le printemps revenir, et dans ses pas l’été. Je vous assure qu’à ce moment-là j’étais tellement heureuse que je n’arrivais pas à arrêter de sourire. Ca y est, les beaux jours revenaient, ils nous éclairaient de leur lumière au fond du tunnel et toutes les cellules de mon corps dansaient la samba pour célébrer cette grande nouvelle.

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